Les forêts nourricières : une étude de cas sur l’implantation du projet Spaces of Opportunity (Arizona) et ses défis

Les forêts nourricières sont de plus en plus utilisées pour répondre à la fois à des enjeux de sécurité alimentaire, mais aussi d’amélioration de la canopée et de préservation de la biodiversité. Par exemple, une forêt nourricière a été aménagée sur le campus de HEC Montréal en 2014 et la municipalité de Saint-François-de-Sales au Lac-Saint-Jean (Québec) a inauguré sa forêt nourricière en 2016.

Une forêt nourricière vise à reproduire les diverses strates (arbres, arbustes, plantes basses et herbacées) d’un milieu forestier dans lequel la majorité des plantes sont comestibles. Les forêts nourricières ont plusieurs avantages de nature alimentaire (production alimentaire diversifiée), paysagère et économique, mais aussi climatique (atténuation des ilots de chaleur). Elles peuvent aussi réduire la pollution atmosphérique et accroitre la biodiversité. En outre, pour assurer les bénéfices environnementaux des forêts nourricières, il est judicieux de choisir des plantes natives et adaptées au climat pour limiter, notamment, l’apport supplémentaire en eau.

Toutefois, créer ce type de projet nécessite des connaissances, compétences et ressources particulières. Ainsi, des chercheurs du Sustainable Food Economy Lab de l’Arizona State University (États-Unis) ont réuni 16 parties prenantes (milieu universitaire, institutionnel gouvernemental, organisations à but non lucratif) dans un atelier afin d’identifier des opportunités, défis et stratégies pour l’implantation de ce type de projet en Arizona. Dans le rapport Implementing Sustainable Food Forests – _A Transfer Workshop for Stakeholders in Arizona, Stephanie Albrecht et Arnim Wiek présentent les résultats de cet atelier de discussion.

Un des défis majeurs de ce type de projet, comme de nombreux projets d’agriculture urbaine, réside dans le travail bénévole qui peut varier et s’estomper au fil du temps jusqu’à l’abandon des projets. Ainsi, les chercheurs se sont questionnés sur les opportunités de développer une forêt nourricière intégrant une composante entrepreneuriale forte et la création de revenus viables. Le cas à l’étude est celui de la forêt nourricière au sein de la coalition d’organismes à but non lucratif Spaces of Opportunity.

La coalition Spaces of Opportunity vise à répondre aux enjeux alimentaires des habitants de South Phoenix (Arizona) tout en s’inscrivant dans une démarche de développement «durable» local. Elle intervient, entre autres, en offrant des opportunités de création de revenus aux résidents, un accès à des aliments sains dans le respect des traditions culturelles locales.

La forêt nourricière de Spaces of Opportunity, au stade final de son implantation, est le fruit d’un processus en sept étapes :

  1. La formulation de l’idée;
  2. L’inventaire des forêts nourricières pour mieux comprendre le processus, les avantages et les défis;
  3. Réseautage, prise de contact auprès d’acteurs clés et choix du site;
  4. Partage de connaissance à l’intention de l’équipe responsable du projet;
  5. Création de la vision, élaboration d’une stratégie et d’un plan d’action incluant les démarches de financement, le développement du volet entrepreneurial, d’une fiducie foncière, de produits et d’un volet éducatif;
  6. Mise en œuvre de la stratégie développée en commençant par des collectes de fonds tout en détaillant davantage le plan du site;
  7. Transfert de connaissances par le biais d’un atelier avec les parties prenantes.

Le processus énuméré ci-dessus fait partie d’une variété de façons de mettre en œuvre ce type de projet. Les auteurs de ce rapport mettent toutefois en évidence que celui-ci a été couronné de succès, notamment en intégrant des perspectives et des expertises diversifiées.

Les résultats de l’atelier

Ce rapport explicite d’une manière plus détaillée l’atelier qui s’est tenu en décembre 2019 auprès des parties prenantes (16 personnes provenant d’universités, d’agences gouvernementales, d’organisations à but non lucratif, d’entrepreneurs, de représentants municipaux, des experts en agroforesterie, etc.). Cet atelier visait à : présenter des exemples de forêts nourricières aux participants et leurs processus de mise en place; favoriser les échanges entre les parties prenantes et susciter des discussions sur les opportunités, les défis et les stratégies en vue de créer, notamment un réseau de soutien des acteurs; offrir une opportunité de réseautage.

La première partie de cet atelier consistait à présenter les forêts nourricières et le processus suivit par le groupe de travail de Spaces of Opportunity tout en discutant des défis rencontrés par trois porteurs de projets d’autres forêts nourricières. Ces discussions ont permis d’explorer les stratégies développées par trois organisations pour faire face à des défis particuliers. Les principaux défis touchent le financement (ex. pour l’achat de semences), la recherche et l’expertise (ex. manque de connaissances des décideurs), la demande des consommateurs (ex. manque de connaissances sur certaines variétés spécialisées de plantes), les politiques (ex. absence de définition de forêts nourricières au niveau de l’administration) et l’éducation (ex. choix de plantes appropriées au climat).  

Dans la seconde partie de cet atelier, les participants se sont penchés sur les actions potentielles en regard de trois catégories de défis particuliers : recherche/ éducation, demande, politiques.

Les actions concernant la recherche et l’éducation visent notamment l’offre de formation, particulièrement en «agrobusiness», et l’information dédiée aux décideurs politiques. Les participants ont aussi soulevé la pertinence de créer des bases de données sur les types de forêts nourricières et leurs revenus en fonction de leurs missions, mais aussi sur la productivité de diverses plantes et leurs conditions optimales de croissance ainsi que les meilleures pratiques utilisées (ex. contrôle des nuisibles).

Les stratégies pour répondre au défi de stimuler la demande des produits provenant de forêts nourricières sont multiples. Elles visent notamment à rejoindre des consommateurs institutionnels tels que les écoles, mais aussi privés (ex. les restaurateurs). Elles misent sur la consolidation des chaines d’approvisionnement local et des mécanismes de soutien directs par les consommateurs tels que le modèle «d’agriculture soutenue par la communauté» et l’éducation pour promouvoir la valeur ajoutée de leurs produits.

Comme c’est souvent le cas en agriculture urbaine, les décideurs politiques et les fonctionnaires gouvernementaux peuvent contribuer à stimuler le développement de forêts nourricières. Selon les participants à cette étude, les actions possibles pour ces acteurs comprennent la création ou l’amélioration des collaborations intergouvernementales et avec des acteurs privés (ex. associations de propriétaires résidentiels) ainsi que l’inclusion d’une définition de forêt nourricière dans les politiques, les législations et les documents publics liés. Dans ce rapport, il est aussi suggéré de définir des zones de production alimentaire dans les parcs et partager l’information sur les projets ou les bonnes pratiques.   

Pour conclure, la forêt nourricière de Spaces of Opportunity sera gérée par deux entrepreneurs locaux qui réaliseront les tâches d’entretien, de récolte et de mise en marché. Ces entrepreneurs offriront aussi des services éducationnels et de formation, avec le soutien des employés des organisations partenaires de la coalition. En outre, l’Arizona State University effectuera des recherches sur ce site pour assurer un suivi des impacts écologiques, environnementaux, économiques et sociaux ainsi qu’un relevé des pratiques exemplaires pour la gestion de forêts nourricières de ce type. Ainsi, ce projet met en œuvre plusieurs stratégies suggérées par les participants à l’atelier.

Source

Albrecht, S., & Wiek, A. (2020). Implementing Sustainable Food Forests – _A Transfer Workshop for Stakeholders in Arizona. Sustainable Food Economy Lab, School of Sustainability, Arizona State University, Tempe, Arizona.

 



Citer ce billet
Beatrice Lefebvre (2021, 15 mars). Les forêts nourricières : une étude de cas sur l’implantation du projet Spaces of Opportunity (Arizona) et ses défis. AgriUrbain. Consulté le 18 avril 2024, à l’adresse https://doi.org/10.58079/auhl

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