La performance environnementale des initiatives en agriculture urbaine : distinguer les types d’agricultures urbaines pour mieux appréhender les services écosystémiques
La durabilité des systèmes agricoles se définit de plusieurs façons (Zahm et al., 2015). En fonction des choix théoriques et méthodologiques effectués à la conception, il existe de nombreuses méthodes de diagnostics de la performance des systèmes agricoles, tant au niveau économique, social, qu’environnemental. Cependant, l’application de ces méthodes d’évaluation aux initiatives d’agriculture urbaine n’est pas toujours possible. En effet, la production alimentaire en ville s’intègre au contexte urbain, lequel doit être considéré pour évaluer la performance des systèmes d’agriculture urbaine[1].
Dans l’article Urban versus conventional agriculture, taxonomy of resource profiles : a review publié dans la revue Agronomy for Sustainable Development en 2016, Benjamin Goldstein et ses collègues se sont jsutment intéressés à la performance environnementale des fermes urbaines. En synthétisant les données de la littérature scientifique, ils proposent une liste de paramètres afin d’évaluer la performance environnementale de l’agriculture urbaine. Dans le cadre de leur recherche, ils appliquent certains de ces paramètres pour une évaluation à quatre types de fermes urbaines.
La performance environnementale des fermes urbaines
La revue de littérature effectuée par les auteurs permet d’identifier différentes thématiques liées à la performance environnementale des fermes urbaines.
L’impact environnemental des fermes urbaines à travers leur association aux bâtiments. Il existe deux types d’effets à ce niveau, soit les effets passifs correspondant à l’augmentation de l’albedo[2] du bâtiment ou son isolation et les effets actifs, tels que le refroidissement de la température du bâtiment grâce à l’évapotranspiration des plantes et la réduction des besoins énergétiques de l’immeuble.
La symbiose entre les fermes et leur environnement urbain. Cet élément correspond aux bénéfices réciproques entre la ferme urbaine et la ville. Il s’agit principalement de l’utilisation des déchets urbains et des flux d’énergie qui peuvent devenir des facteurs de production. On peut citer par exemple, l’infiltration d’eau dans les sols grâce à l’agriculture urbaine et la rétention d’eau par les fermes sur toit qui prévient la saturation des réseaux d’égouts, ou encore l’utilisation d’énergie résiduelle d’activité urbaine pour chauffer des serres.
L’efficience des circuits de distribution alimentaire. Cela passe par la réduction des kilomètres alimentaires et l’efficience des chaînes de distribution[3].
Les autres services environnementaux considérés dans l’article se distinguent en deux catégories. D’une part, ceux qui ont un impact local, in situ, comme l’augmentation de la biodiversité, la réduction des îlots chaleur urbains, la réduction du ruissellement des eaux de pluie, l’amélioration de la qualité des sols et de l’air. D’autre part, les services environnementaux ex situ dont, la séquestration du carbone, la réduction de l’empreinte carbone et écologique liée à la production alimentaire, la préservation de la biodiversité et de la qualité des sols.
Après avoir fait la liste de l’ensemble des aspects environnementaux liés à la production alimentaire en ville, les auteurs proposent d’en faire l’étude à partir d’une typologie des initiatives d’agriculture urbaine.
Une typologie pour l’évaluation environnementale de l’agriculture urbaine
Ils distinguent les initiatives d’agriculture urbaine suivant leur intégration aux bâtiments et selon leur environnement, contrôlé ou non[4]. Ils distinguent alors quatre types de fermes urbaines. Pour ensuite évaluer leur performance environnementale, ils comparent ces quatre types suivant leurs caractéristiques opérationnelles, comme l’utilisation des ressources et la consommation d’énergie, les apports en capitaux nécessaires et leur potentiel de symbiose avec le milieu urbain. À partir des mêmes publications qui ont servi à établir la liste des services environnementaux rendus par l’agriculture urbaine, les auteurs décrivent les performances environnementales de chacun des types de fermes urbaines.
Premièrement, les systèmes implantés au sol et en milieu non contrôlé, comme les parcelles de jardins communautaires, présentent une faible efficience dans l’usage des ressources naturelles et de plus faibles rendements, notamment par rapport aux pertes d’intrants et aux pertes potentielles de culture. Selon les auteurs, il est plus difficile d’associer ce type d’initiative au métabolisme urbain et les apports en capitaux sont relativement faibles. Toutefois, il existe certains exemples de récupération des eaux de ruissellement des toits des bâtiments voisins pour l’irrigation des cultures.
Les systèmes implantés au sol et en milieu contrôlé, comme les tunnels maraîchers, sont des systèmes qui présentent une plus grande efficience dans l’usage de l’eau et dont les productions sont moins menacées par les ravageurs ou le climat. Les besoins énergétiques et les apports en capitaux liés à ces initiatives sont plus importants. Toutefois, les auteurs précisent qu’il y a deux sous-types dans cette catégorie de systèmes. Les plus efficients, dont la source d’énergie est passive, par exemple l’énergie solaire, et les moins efficients qui utilisent une source d’énergie active (ex. l’électricité). La symbiose urbaine[5] de ces systèmes est également limitée, car ils sont indépendants des bâtiments et plusieurs cultivent à l’aide de systèmes hydroponiques qui ne sont pas propices à valoriser la matière organique.
Les potagers sur les toits sont des systèmes intégrés à un bâtiment et en milieu non contrôlé. Selon les auteurs, l’efficacité dans l’usage des ressources naturelles et des nutriments y est plus faible alors que le haut degré de symbiose urbaine permet d’optimiser certains facteurs de production. Ces systèmes peuvent bénéficier de l’énergie dégagée par les bâtiments ou en diminuer les besoins énergétiques. En outre, ils peuvent réduire le ruissellement de l’eau de pluie ou valoriser une partie des déchets organiques des occupants du bâtiment. Néanmoins, les apports en capitaux requis peuvent être plus élevés qu’un jardin au sol notamment à cause de l’achats de membranes, de pots, de systèmes d’irrigation, etc.
Finalement, les systèmes intégrés à un bâtiment et en milieu contrôlé sont similaires aux systèmes au sol et en milieu contrôlé par rapport à leurs caractéristiques opérationnelles, leurs apports en capitaux et leur potentiel de symbiose urbaine. À nouveau, ces derniers se distinguent suivant la source d’énergie qu’ils utilisent, passive ou active, et les apports en capitaux sont généralement importants, notamment si un renforcement de la structure du bâtiment est requis.
Les enjeux de la performance environnementale des fermes urbaines
D’après les critères proposés par les auteurs et malgré la typologie utilisée qui visait à illustrer et simplifier la diversité des formes d’agriculture urbaine, la performance environnementale des fermes urbaines est un élément complexe à mesurer. En se basant sur la littérature existante en 2016, les auteurs mettent en évidence les multiples facteurs environnementaux liés à la production alimentaire en ville. Ils rappellent d’ailleurs la nécessité de continuer les recherches sur ce sujet, car, alors que certains éléments sont davantage démontrés, d’autres portent encore au débat. Mais il apparait évident que les connaissances restent excessivement lacunaires sur le sujet, tout comme l’existence de bases de données intégrant les données d’une large diversité de projets. Il semble aussi important de réaliser des recherches terrains afin permettre en place de bonnes pratiques pour les producteurs urbains et des améliorer les impacts environnementaux et les services environnementaux des fermes urbaines.
Néanmoins, l’évaluation de la performance environnementale des quatre types d’agricultures urbaines effectué par les auteurs permet de distinguer certains enjeux pour mieux comprendre les bénéfices à produire une part de notre alimentation en ville. Avec l’application des critères environnementaux aux différents types de systèmes d’agriculture urbaine, les auteurs souhaitent une poursuite des évaluations environnementales en considérant l’ensemble de ces éléments.
Pour conclure, ils proposent de conduire des études plus détaillées comme des analyses de cycle de vie appliquées aux fermes urbaines afin d’élargir les évaluations environnementales à des échelles plus larges, par exemple celles des villes.
Source
Goldstein, B., M. Hauschild, J. Fernández et M. Birkved (2016). Urban versus conventional agriculture, taxonomy of resource profiles: a review. Agronomy for Sustainable Development, vol 36, no 1. doi: 10.1007/s13593-015-0348-4
Notes
[1] Pour plus d’informations, voir la synthèse Évaluer l’agriculture urbaine dans toute sa diversité et sa multifonctionnalité
[2] Albedo : fraction de l’énergie de rayonnement incidente qui est réfléchie ou diffusée par un corps, une surface ou un milieu (Définition du dictionnaire Larousse en ligne)
[3] L’efficience des chaîne de distribution organisées en circuits courts ou de proximité, c’est-à-dire avec un intermédiaire au plus entre le producteur et le consommateur, fait l’objet d’un débat dans la littérature notamment en lien avec l’efficience du transport des marchandises alimentaire (Mundler et Rumpus, 2012).
[4] On entend par environnement contrôlé les initiatives d’agriculture urbaine qui s’opèrent en milieu fermé (serres, tunnels, à l’intérieur, etc.) et par environnement non contrôlé, celles qui s’opèrent à l’air libre.
[5] L’intégration au milieu urbain est évalué, entre-autres par la valorisation des déchets urbains, la récupération d’eau de pluie et la récupération de la chaleur excédentaire des bâtiments.
Références
Mundler, P. et L. Rumpus (2012). La route des paniers : réflexions sur l’efficacité énergétique d’une forme de distribution alimentaire en circuits courts. Cahiers de géographie du Québec, vol. 56, no 157, p. 225‑241. doi: https://doi.org/10.7202/1012220ar
Zahm, F., A. Alonso Ugaglia, H. Boureau, B. Del’Homme et J.M. Barbier (2015). Agriculture et exploitation agricole durables : état de l’art et proposition de définitions revisitées à l’aune des valeurs, des propriétés et des frontières de la durabilité en agriculture, Innovations Agronomiques, no 46, p. 105‑125.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Logan Penvern (6 novembre 2020). La performance environnementale des initiatives en agriculture urbaine : distinguer les types d’agricultures urbaines pour mieux appréhender les services écosystémiques. AgriUrbain. Consulté le 25 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/auh4