Les services écosystémiques fournis par les jardins urbains à Barcelone : quelles perspectives pour relever les défis urbains actuels et futurs ?

Dans de nombreuses villes du monde, les jardins urbains ont suscité une attention croissante pour leurs nombreux bénéfices sociaux et environnementaux, aussi appelés services écosystémiques. Les services écosystémiques regroupent les contributions des écosystèmes au bien-être humain et au fonctionnement de la société en général. À Barcelone, Camps-Calvet et ses collègues se sont intéressés aux services écosystémiques des jardins urbains pour évaluer leur contribution à la qualité de vie des habitants.

Les auteures, Camps-Calvet, Langemeyera et Calvet-Mir, sont toutes les trois professeures à l’Institut de l’environnement et de la technologie (ICTA) à l’Université Autonome de Barcelone, et Gómez-Baggethund est professeur au Département des études internationales sur l’environnement et le développement à l’Université Norvégienne des Sciences de la Vie (NMBU), en Norvège. Leur article intitulé Ecosystem services provided by urban gardens in Barcelona, Spain : Insights for policy and planning, publiée en 2016 dans la revue Environnemental Science & Policy, présente une évaluation complète de tous les services écosystémiques fournis par les jardins urbains barcelonais. Les avantages des jardins sont ensuite discutés en fonction de leur contribution aux défis politiques urbains. La recherche se base sur l’étude de 27 jardins urbains, des jardins dits « familiaux », gérés individuellement par des jardiniers ou des familles et réglementés par le conseil municipal de Barcelone, et des jardins dits « communautaires », où les terres sont autogérées collectivement. Les données collectées proviennent d’entretiens semi-dirigés et d’enquêtes auprès des utilisateurs des jardins ainsi que de réunions de consultations avec les planificateurs locaux.

L’importance des services écosystémiques culturels des jardins barcelonais

Un total de 20 services écosystémiques allant de « la pollinisation » (11,4%) à « l’apprentissage et l’éducation » (95,5%) ont été identifiés par les participants à l’étude (voir Figure 2)[1]. Après « l’apprentissage et l’éducation », les services écosystémiques les plus nommés sont « la cohésion et l’intégration sociale » (88,6%), « l’approvisionnement alimentaire » (81,8%), « le divertissement et les loisirs » (77,3%), « l’entretien du patrimoine culturel » (72,7%), et « le maintien de la fertilité du sol » (65,9%). Les services écosystémiques culturels (les avantages sociaux que les gens tirent des jardins) sont apparus très largement comme les services écosystémiques les plus importants et les plus appréciés par ceux-ci.

Figure 1. Identification des services écosystémiques par les participants à l’étude, jardiniers urbains à Barcelone.

Les contributions des jardins urbains aux défis politiques urbains

Les données de l’enquête démontrent que les jardins urbains représentent d’importants avantages sociaux et environnementaux. Selon les auteurs, ils pourraient  contribuer à résoudre certains défis des politiques urbaines.

Ainsi, considérant la forte valeur éducative attribuée aux jardins (95,5%), ceux-ci pourraient jouer un rôle déterminant pour développer une conscience environnementale chez la population. Selon Camps-Calvet et ses collègues, la sensibilisation des citoyens au patrimoine naturel et à la biodiversité est l’un des principaux défis du plan d’infrastructure verte de Barcelone. Les jardins sont des lieux importants pour recréer le lien essentiel entre les humains et la nature et donc, stimuler l’envie de prendre soin de l’environnement et de la communauté.

En lien avec le développement d’une «conscience environnementale et communautaire», les jardins sont également reconnus pour stimuler la participation et l’engagement civique, et même parfois, la citoyenneté écologique[2] ou citoyenneté alimentaire[3]. Avec la crise de la citoyenneté ces dernières années[4], les jardins urbains permettraient de redévelopper l’engagement civique, un élément essentiel du plan d’infrastructure verte de Barcelone.

Les jardins urbains jouent également un rôle important en tant qu’espace de loisir et lieu de divertissement gratuit et pourraient représenter une alternative à la marchandisation des activités de loisirs et la privatisation des espaces publics.  Le plan d’aménagement de Barcelone prévoit, par ailleurs, de favoriser les espaces verts dans les zones défavorisées de la ville. Ce faisant, les jardins urbains représentent une belle occasion de promouvoir la justice environnementale puisque leurs multiples services bénéficient en majeure partie aux populations à faible revenu, aux personnes âgées et aux migrants.

Un dernier défi de la ville de Barcelone auquel répondent les jardins urbains concerne l’inclusion sociale. L’inclusion sociale est, par ailleurs, le deuxième critère le plus important parmi les services culturels associés aux jardins urbains (88,6%). Plusieurs recherches reconnaissent, en effet, le rôle crucial joué par les jardins dans le renforcement du tissu social, la socialisation des personnes vulnérables et la lutte contre. Camps-Calvet et ses collègues soulignent que, avec les populations urbaines vieillissantes dans les pays occidentaux, les jardins urbains sont des solutions à considérer pour intégrer les couches sociales les moins privilégiées comme le sont les personnes âgées.

Des données utiles pour multiplier les jardins urbains et la population bénéficiaire

Selon les urbanistes présents aux réunions de consultations de l’étude, les résultats de la recherche représentent des données objectives pouvant interpeller les institutions. Compte tenu de la contribution des jardins urbains aux nombreux défis de la ville, ces données pourraient aider à intégrer davantage les jardins dans la planification urbaine de Barcelone et d’autres villes européennes. De plus, malgré l’importance associée aux jardins, les auteurs remarquent qu’une faible partie de la population y a réellement accès. En plus de favoriser les jardins urbains dans les plans d’infrastructures, une autre recommandation des auteurs est de favoriser leur accès à des segments plus larges de population, afin que davantage de personnes bénéficient de leurs bienfaits.

Pour poursuivre la réflexion sur le sujet, mais avec une approche quantitative pour évaluer les services écosystémiques des jardins communautaires : Évaluation des coûts-bénéfices d’un jardin communautaire à Londres : approche méthodologique et estimation.

Notes

[1] Le critère « Biohilia » fait référence à la joie et l’épanouissement que procure le fait de jardiner.

[2] Seyfang, G. (2006). Ecological citizenship and sustainable consumption: Examining local organic food networks. Journal of Rural Studies, vol. 22, n°4, pp. 383-395. Doi: 10.1016/j.jrurstud.2006.01.003

[3] Baker, L. E. (2004). Tending cultural landscapes and food citizenship in Toronto’s community gardens. Geographical Review, 94(3), 305-325. DOI :10.1111/j.19310846.2004.tb00175.x.

[4] Baril, G. (2012). La diminution de la participation électorale des jeunes Québécois : Une recherche exploratoire de l’Institut du Nouveau Monde. Récupéré de https://www.electionsquebec.qc.ca/documents/pdf/DGE-6438.pdf

Source

Camps-Calvet, M., Langemeyer, J., Calvet-Mir, L., et Gómez-Baggethun, E. (2016). Ecosystem services provided by urban gardens in Barcelona, spain: insights for policy and planning. Environmental Science & Policy62, 14–23. https://doi.org/10.1016/j.envsci.2016.01.007

 

 

 


Vous aimerez aussi...

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search