Agriculture urbaine : solution urbaines au-delà de nourrir la population mondiale croissante

En 1950, les innovations de la révolution verte telles que les engrais, les pesticides et les antibiotiques ont permis aux humains d’augmenter le rendement de la production alimentaire. D’ici 2050, on estime que pour répondre aux besoins de la population mondiale croissante, la production alimentaire devra augmenter d’environ 50 %. Toutefois, les besoins alimentaires mondiaux ne pourront pas être comblés par les méthodes d’agricultures actuelles qui exercent déjà une trop grande pression sur les terres fertiles. De plus, les changements climatiques, notamment la hausse des températures et l’érosion des sols, auront un impact négatif additionnel sur le rendement des cultures. Dans ce contexte, The Veolia Institute Rewiew – FACTS Reports, qui compile des articles sur les sujets reliant l’environnement et la société, consacre une édition spéciale à l’agriculture urbaine. Plus spécifiquement, l’article de Stuchltey et Vahle, Urban agriculture : boon or bust, cherche à savoir si l’agriculture urbaine pourrait bel et bien être la solution à un futur plus durable.

Nourrir la population mondiale : un défi de taille

Présentement, l’agriculture utilise 70 % des ressources en eau et 50 % des terres fertiles, tout en étant la source de 25 % des émissions anthropiques de CO2. Par la déforestation et l’utilisation de pesticides, l’agriculture contribue également à la perte de la biodiversité. L’agriculture pose problème à quatre des neuf limites planétaires du Stockholm Resilience Institute au-delà desquelles l’équilibre planétaire est menacé.

Selon un rapport de 2019, le système alimentaire mondial coûte environ 5,7 trillions de dollars à la société chaque année. À chaque dollar dépensé en nourriture sont associé 2 $ de coûts sociaux : 1 $ associé à la consommation (obésité, malnutrition, carence en nutriments) et 1 $ à la production.

Pour parvenir à relever le défi de nourrir la population mondiale croissance de façon durable et économiquement viable, optimiser le système alimentaire actuel n’est pas suffisant. Une nouvelle révolution de l’agriculture qui intègre l’économie circulaire, la gestion des déchets et des matériaux et qui est compatible avec les écosystèmes naturels est donc nécessaire.

Agriculture urbaine pour nourrir la population mondiale

L’attention est de plus en plus portée sur l’agriculture urbaine comme méthode de production alimentaire alternative. Pourtant, peu d’études indiquent que cette pratique pourrait véritablement contribuer à nourrir la population mondiale. Au contraire, le potentiel maximal de l’agriculture urbaine est une contribution de 1 à 3 % de la production alimentaire globale. L’agriculture urbaine produit surtout des légumes. Sans minimiser l’importance des légumes dans la diète humaine, ce sont plutôt les aliments riches en protéines et en calories qui sont critiques face aux besoins alimentaires croissants. À ce niveau, l’agriculture urbaine n’est pas une méthode qui convient, notamment à cause de la logistique plus complexe, mais aussi à cause des désagréments que cause l’élevage (bruits, odeurs, hygiène). De plus, ce ne sont pas toutes les villes qui ont suffisamment d’espace pour instaurer l’agriculture urbaine à un prix raisonnable.

Agriculture urbaine : nourrir les villes différemment

Et si on cessait de voir l’agriculture urbaine comme une façon de résoudre l’enjeu des besoins alimentaires croissants, mais plutôt comme une façon de nourrir les villes différemment en améliorant la qualité de l’environnement et la résilience des villes face aux changements climatiques et en créant des espaces communautaires. C’est ce que propose l’article de Stuchtey et Vahle.

Selon le modèle Isolate State de l’agronome Johann Heicrich von Thünen établi en 1826, les activités agricoles sont situées en cercles concentriques autour d’un centre urbain en fonction de la profitabilité de chaque activité. Comme le coût des terres augmente avec la proximité de la ville, les activités ne sont pas les mêmes au centre qu’en périphérie de la ville. Bien sûr, ce modèle est très simplifié et ancien, mais la variable du coût des terres demeure inchangée. Ainsi, en ville, on retrouvera surtout la culture extérieure (jardins, culture sur toits, etc.) et les serres alors qu’en milieu péri-urbain on retrouvera davantage les autres types (agriculture en environnement contrôlé) : fermes verticales, aquaculture, aquaponie, culture d’insectes, agriculture moléculaire, etc.

Comme le rendement de l’agriculture urbaine ne permet pas de compétitionner avec les grandes cultures au niveau du prix, il faut considérer la valeur ajoutée sociale et environnementale pour justifier cette pratique. En effet, plusieurs études ont montré que l’agriculture sur les toits permet de réduire le chauffage en hiver et la climatisation en été. Ces espaces réduisent l’effet des ilots de chaleur et permettent la rétention d’eau. Ils filtrent les polluants de l’air et fournissent des services écosystémiques, notamment par la pollinisation et la protection de la biodiversité. Tous ces bénéfices environnementaux accordent une valeur de 80 à 160 billions de dollars par année à l’agriculture urbaine. D’un point de vue social, les espaces d’agriculture urbaine engendrent un sentiment d’appartenance à la communauté, aident à l’inclusion sociale et créent des opportunités d’emplois et des opportunités éducatives. Ainsi, l’agriculture urbaine n’a pas comme finalité le rendement, mais plutôt d’apporter des bénéfices à la société.

Agriculture périurbaine

Comme le nom l’indique, l’agriculture en environnement contrôlé se fait à l’intérieur avec des conditions de culture contrôlées. Ces méthodes n’ont pas besoin de lumière naturelle ni d’un sol fertile. Puisqu’elles sont indépendantes de la localisation et à cause des coûts et de la logistique de l’espace en ville, les méthodes d’agriculture en environnement contrôlé se classent dans la catégorie d’agriculture « périurbaine ». Ces méthodes génèrent moins de bénéfices sociaux que l’agriculture urbaine sociale. Elles ont toutefois le potentiel d’atténuer significativement les pressions sur les écosystèmes par l’économie d’eau, la réduction du gaspillage alimentaire, l’optimisation de l’espace et de l’utilisation d’engrais et la réduction des émissions de CO2. Les fermes d’insectes, l’aquaponie (élevage de poissons combiné à la culture de végétaux) et l’agriculture moléculaire sont des exemples d’agriculture périurbaine. Toutefois, ces méthodes sont pour la plupart encore au stade expérimental et nécessitent des coûts d’investissement élevés. De plus, le contrôle des conditions de culture permet de fournir un très bon rendement, mais accentue la demande énergétique. Contrairement à l’agriculture urbaine, l’agriculture périurbaine pourrait contribuer à fournir un apport alimentaire à la population croissance si l’on réussit à minimiser la demande énergétique et les coûts de tels projets.

Conclusion 

L’agriculture fait déjà partie intégrante des villes alors que 40 % des terres agricoles sont situées dans un rayon de 20 km des villes. L’étalement urbain représente une des pressions les plus importantes sur les terres fertiles. En parallèle, l’urbanisation est un facteur qui a grandement contribué à augmenter les dichotomies du revenu entre le milieu urbain et rural. Les méthodes d’agriculture en environnement contrôlé permettraient de reconnecter les banlieues avec les villes par les flux de matériaux et de capital. Ces méthodes pourraient fournir des légumes frais aux centres urbains tout en créant de l’emploi en milieu péri-urbain. L’optimisation de l’utilisation d’intrants et des ressources permettrait de réduire les impacts environnementaux. En associant l’agriculture urbaine et périurbaine, on pourrait donc réussir à créer une économie circulaire dans le système alimentaire. Somme toute, l’article de Stuchtey et Vahle montre que l’agriculture urbaine est pertinente pour ces impacts sociaux et environnementaux, donc qu’elle se situe bien au-delà d’être une solution aux enjeux alimentaires mondiaux.

Source

Stuchtey, M., & Vahle, T. (2019). Urban agriculture: boon or bust?, 60-67, 60–67. https://journals.openedition.org/factsreports/5724

 


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