Services écosystémiques des jardins collectifs et communautaires: synergie ou compromis?

En milieu urbain, les espaces de nature comportent plusieurs bénéfices pour l’être humain. Ils réduisent la pollution sonore, régulent la qualité de l’air et limitent le ruissellement des eaux de pluie. On qualifie ces bienfaits de « services écosystémiques ». Selon plusieurs études, les jardins collectifs urbains contribuent à l’éducation sur les enjeux environnementaux et sociaux en plus de produire des aliments et de réguler le climat. Leurs effets thérapeutiques sont également bien documentés dans la littérature : le jardinage constitue une forme d’activité physique et une source d’interactions sociales, deux facteurs qui améliorent le bien-être des humains. Les services écosystémiques de ces espaces sont bien répertoriés, mais peu d’études s’intéressent à la synergie et aux compromis entre les différents services au sein d’un même espace.

L’article Ecosystem services of collectively managed urban gardens : Exploring factors affecting synergies and trade-offs at the site level fait donc une évaluation quantitative des services écosystémiques et de leurs interactions dans 10 jardins urbains à Manchester au Royaume-Uni. L’étude porte sur quatre services écosystémiques clés : la régulation du climat, la production alimentaire, la biodiversité et les impacts sociaux (apprentissages et bien-être). Selon Dennis et James, il existe un lien important entre les bénéfices écologiques (biodiversité) et sociaux (apprentissages et bien-être) qui découlent de ces espaces. La taille et l’organisation du jardin urbain sont des facteurs déterminants dans les compromis entre les différents services rendus.  

Les jardins urbains sont caractérisés par leur caractère collectif. Typiquement, le terme englobe les jardins communautaires, les jardins collectifs, les vergers et les mini-parcs gérés par une collectivité. Ces espaces permettent des décisions environnementales participatives, un partage de connaissances et des réponses adaptées aux stress socioécologiques locaux.

Collecte de données

Dans l’étude les services de régulation du climat ont été mesurés par l’outil GI TOOLKIT qui se base sur l’aire écologique effective (EEA). L’outil génère un score selon le potentiel de perméabilité et d’évaporation des surfaces. Les données sur la productivité alimentaire se basent sur les dimensions des espaces. Le rendement de la culture de légume découle des données du Philadelphia Harvest Record et celui des fruits découle des données statistiques gouvernementales sur l’horticulture au Royaume-Uni. Pour la biodiversité, l’outil de Tzoulas et James (2010) permet d’obtenir un score qui combine la diversité structurelle et la richesse en végétaux. Les aspects sociaux sont mesurés par deux indicateurs : le nombre d’heures de bénévolat et le nombre d’événements éducatifs. Pour évaluer les synergies et les compromis entre les services écosystémiques, les données recueillies sont standardisées pour une surface de 100 m2.

Compromis et synergies entre les services écosystémiques

La taille du jardin urbain a un impact considérable sur la productivité. Plus le jardin est grand, plus la production est élevée. La régulation du climat et la biodiversité augmentent également avec l’augmentation de la taille du site. Toutefois, la relation entre la taille et la diversité s’inverse lorsqu’on utilise les valeurs standardisées. Dans un grand jardin, il y a moins de participation par unité de surface que dans un petit jardin où les gens peuvent accorder plus de temps à l’entretien des végétaux. Ainsi, ces derniers abritent une plus grande diversité par unité de surface.

La taille du jardin urbain n’est pas le seul facteur qui affecte les relations entre les services écosystémiques. Le pourcentage de surface couverte par une structure construite et étanche a un impact sur l’aire écologique effective (EEA), la biodiversité et la participation. Jusqu’à 40 % de surface couverte, les scores de biodiversité et de participation (heures de bénévolats) augmentent, puis diminuent pour des pourcentages plus élevés. En effet, une certaine portion de surface pavée permet d’accueillir des événements et donc d’augmenter la participation. Toutefois, après un certain seuil, il n’y a pas assez de couverture végétale pour attirer les participants et nécessiter leurs efforts. Par définition, les jardins urbains dépendent de la participation de bénévoles pour l’entretien des plantations, et donc pour la conservation de la biodiversité. Il y a donc une synergie entre la biodiversité et les bénéfices sociaux : le bien-être et les apprentissages.

Si on résume, les jardins urbains de grande taille régulent mieux le climat, mais abritent moins de biodiversité et génèrent moins de bénéfices sociaux. Ainsi, il y a un compromis entre ces différents services écosystémiques. La synergie entre le bien-être/les apprentissages et la biodiversité est, quant à elle, indépendante de la taille du site. Somme toute, l’étude de Dennis et James démontre que le potentiel des jardins urbains à engendrer plusieurs services écosystémiques simultanément est fortement dépendant de la taille du jardin en question. Des petits changements d’échelle peuvent grandement faire varier la production de services écosystémiques et les relations entre ceux-ci. Les synergies et les compromis identifiés, de même que l’impact de la taille sur les services écosystémiques, permettront de mieux adapter les projets de jardins urbains aux objectifs des villes.

 

Sources

Dennis, M., & James, P. (2017). Ecosystem services of collectively managed urban gardens: exploring factors affecting synergies and trade-offs at the site level. Ecosystem Services26, 17–26. https://doi.org/10.1016/j.ecoser.2017.05.00

Tzoulas, K., & James, P. (2010). Making biodiversity measures accessible to non-specialists: an innovative method for rapid assessment of urban biodiversity. Urban Ecosystems13(1), 113–127. https://doi.org/10.1007/s11252-009-0107-x


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