Les services écosystémiques de l’écologie citoyenne
« Biophilie : affinité innée de l’humain pour le vivant et les systèmes naturels. » L’humain bénéficie du contact avec la nature et des projets environnementaux au niveau psychologique, social, émotionnel et cognitif. Par ce bien-être que procure la nature, plusieurs initiatives d’intendance environnementale sont amorcées dans les communautés urbaines, que ce soit la création de jardins communautaires, la plantation d’arbres ou la restauration d’aires naturelles. Ces pratiques d’écologie citoyenne génèrent également des services écosystémiques, notamment la régulation du climat, la production alimentaire ou la pollinisation.
Dans les années 1980, alors que les gouvernements n’arrivaient pas à saisir la gravité de la perte de biodiversité et de la dégradation de l’environnement, la communauté scientifique a commencé à promouvoir la nature comme une façon de procurer des services aux êtres humains. En 1997, Robert Costanza et ses collègues calculent la valeur monétaire de 17 services écosystémiques. Cette étude provoque un important changement dans le débat à ce sujet, les services écosystémiques ne sont plus perçus comme un outil d’éducation en conservation, mais plutôt comme un outil économique. En 2005, le Millennium Ecosystem Assessment démontre l’importance de ces services pour le bien-être et la santé humaine et signale la vitesse à laquelle ces services se perdent, mettant ainsi ce concept au cœur des décisions et des discussions environnementales. À ce jour, les scientifiques critiquent la valeur économique attribuée aux services écosystémiques. La connaissance de l’importance de la biodiversité devrait être la motivation aux actions de conservation et non l’incitative monétaire. De plus, les études prennent rarement en considération l’interaction complexe entre les facteurs sociaux et écologiques dans la production de services.
Toutefois, la recherche est limitée sur les services écosystémiques qui écoulent de l’écologie citoyenne et d’autres pratiques urbaines de gestion de l’environnement. L’article Civic ecology practices : Participatory approaches to generating and measuring ecosystem services in cities vise à établir des protocoles appropriés afin de mesurer les services écosystémiques des pratiques d’écologie citoyenne dans la cadre d’un partenariat entre scientifiques et citoyens. Cet article de Marianne E. Krasny de l’Université Cornell et de ses collègues étudie aussi l’interaction entre la personne et le système socioécologique comme façon de générer des services écosystémiques, plutôt que se concentrer uniquement sur les services qui découlent de l’infrastructure verte. L’article présente les différentes options et les défis pour l’évaluation des services et stimule une réflexion sur les pratiques d’écologie citoyenne.
Pour Krasny et al, l’engagement social des participants dans les pratiques d’écologie citoyenne mène à la création de nouvelles infrastructures vertes, qui elles, procurent des services écosystémiques et des bienfaits pour la santé humaine. L’écologie citoyenne contribue directement à plusieurs services culturels : activités récréatives et sociales, création d’espaces esthétiques ou spirituels et éducation. L’humain procure donc directement et indirectement des services. Ainsi, l’article suggère de revoir le paradigme qui voit les écosystèmes comme des producteurs de services pour l’humain, mais qui ne considère pas l’humain comme un producteur de services écosystémiques à part entière. Grâce aux méthodes d’évaluation des services écosystémiques discutées précédemment, il sera plus facile de démontrer les bienfaits des pratiques citoyennes d’écologie et d’encourager des pratiques en milieu urbain.
Les services écosystémiques de l’écologie citoyenne
Les pratiques d’écologie citoyenne, qui sont des actions locales d’intendance environnementale dans le but d’améliorer les infrastructures vertes et le bien-être des communautés, contribuent à la production alimentaire, la pollinisation, l’amélioration des interactions sociales, l’éducation et plusieurs autres aspects du bien-être individuel et communautaire. Une recherche comparant un jardin communautaire géré de façon informelle à des parcs et des cimetières municipaux à Stockholm démontre que le jardin attire plus de pollinisateurs grâce aux plantes à fleurs et à la protection des nids d’abeilles. De plus, les plantations d’arbres peuvent contribuer à climatiser naturellement les villes et la restauration de communautés d’huitre aide à filtrer l’eau. Ainsi, plusieurs bienfaits de l’écologie citoyenne sont connus, mais peu sont véritablement mesurés à cause du manque de ressources et de connaissances scientifiques des participants et de la difficulté à mesurer les services écosystémiques.
Protocole de mesure des services écosystémiques
L’article examine trois approches de mesure des services rendus par les pratiques d’écologie citoyenne : les protocoles de mesure de la biodiversité par la science citoyenne, les mesures fonctionnelles et l’attribution de valeurs aux services écosystémiques.
La science citoyenne permet, par la cueillette de données, de mesurer la biodiversité. Les protocoles de la science citoyenne ont le potentiel d’être adaptés pour y inclure les changements dans la composition des espèces qui découlent des pratiques d’écologie citoyenne, et donc d’évaluer les services écosystémiques. Les mesures fonctionnelles sont, quant à elles, conçues pour évaluer l’apport, la régulation et le support des services écosystémiques. Elles incluent des protocoles basés sur l’utilisation des terres, les pratiques et les extrants d’une activité. Finalement, l’attribution des valeurs aux différents aspects d’une activité se base sur les coûts du marché, les coûts alternatifs, les coûts de déplacement, les prix hédoniques et le prix qu’une personne est prête à payer pour un certain service écosystémique. Une évaluation participative peut être faite dans les cas où les parties prenantes ne sont pas capables d’attribuer des valeurs monétaires aux différents aspects. L’évaluation participative se concentre sur les perceptions, les besoins et les priorités des parties prenantes.
Pour établir un protocole adéquat d’évaluation des services écosystémiques de l’écologie citoyenne, il faut prendre en considération les participants, l’échelle, le type de pratique et les valeurs qui y sont associées. La collecte de donnée doit être simple et peu coûteuse. Les mesures doivent être faciles à interpréter par des gens avec peu de connaissances scientifiques et doivent détecter des changements à petite échelle. Le protocole risque de varier selon la pratique, mais devrait être constant pour une même pratique dans plusieurs localisations. Une attention particulière doit être portée aux services culturels, à la santé humaine et au bien-être qui découle des pratiques d’écologie citoyenne. La création du protocole passe par la collaboration entre les participants et les scientifiques en adaptant les outils scientifiques et en identifiant les outils pertinents conçus par les participants.
Source :
Krasny, M. E., Russ, A., Tidball, K. G., & Elmqvist, T. (2014). Civic ecology practices: participatory approaches to generating and measuring ecosystem services in cities. Ecosystem Services, 7, 177–186. https://doi.org/10.1016/j.ecoser.2013.11.002